De la structure hospitalière à l'institution éducative, trajectoire.
Céline, 17 ans, a passé six mois à la Chrysalide, l’unité pédopsychiatrique de l’hôpital de Marsens (Fribourg), avant d’arriver à La Fontanelle, il y a une année et quelques jours. Elle a accepté d’évoquer son parcours dans chacune des structures et son passage de l’une à l’autre.
Selon les situations des jeunes, la collaboration entre différents types de structures, hospitalières, éducatives ou autres, s’avère souvent nécessaire et des plus fructueuses pour leur prise en charge.
Comment t’es-tu retrouvée à la Chrysalide?
Suite à des soucis familiaux, je faisais beaucoup de crises de colère et je manquais souvent les cours. J’étais suivie par un psychiatre, et je prenais des antidépresseurs, mais à un moment donné il y a une goutte qui a fait déborder le vase et je me suis retrouvée de force à la Chrysalide (hôpital de Marsens) pour un premier placement. J’en suis sortie après un mois avec la recommandation d’être suivie par un psychiatre chez qui je me suis rendue durant trois semaines. Puis, j’ai réalisé à ce moment-là que ce soutien n’était pas assez important et j’ai demandé à être accueillie à nouveau à la Chrysalide, de mon plein gré cette fois, et j’y suis restée cinq mois.
Et comment s’est décidé ton placement à La Fontanelle?
Après ces cinq mois à la Chrysalide, la Dresse Secara, ainsi que mon assistante sociale, ont affirmé que j’étais stabilisée et qu’il était temps que je quitte le système de soins pour passer à un système éducatif, plus confrontant et plus en lien avec le monde réel, contrairement à l’hôpital qui est un peu hors de tout.
Comment as-tu réagi?
Je ne voulais pas, car c’était loin de chez moi, et je ne voulais pas quitter la Chrysalide. Je me sentais encore bien fragile et j’ai eu peur des efforts que je devrais fournir pour m’adapter à ce nouvel environnement. De plus, je n’ai pas trop apprécié que tout cela se décide pour moi, sans vraiment me consulter.
Dans quel état d’esprit es-tu arrivée à La Fontanelle?
À la première date prévue, je n’y suis pas allée, j’ai fugué durant deux semaines et je suis retournée à l’hôpital. Puis, le jour même de mon arrivée à La Fontanelle, j’ai fugué du foyer et ai pris le train pour rentrer chez moi. Lors du contrôle des billets, le chef de gare m’a retenue et c’est la police qui m’a ramenée à Vérossaz. Petit à petit, j’ai appris à connaître les adultes de La Fontanelle et leur ai fait progressivement confiance. J’ai aussi développé de belles relations avec certaines jeunes et ça m’a aidée à persévérer dans le placement. Un important travail avec ma famille a permis à toute ma famille de mieux comprendre ce qui se passait, de faire diminuer des tensions et ça a favorisé le dialogue entre nous. Un gros travail sur moi-même, les activités quotidiennes et la relation de confiance que j’ai pu créer avec mon référent et les autres éducateurs m’ont permis de développer la confiance en moi et croire à un avenir pour moi. Les camps m’ont également apporté la motivation à faire sérieusement mon placement: on a plus de temps pour se recentrer, on découvre des lieux et des activités nouvelles, on est forcé de développer l’endurance et d’aller chercher nos ressources, c’est très fort…
Chaque deux mois environ, j’ai eu de gros épisodes d’angoisses, un énorme sentiment d’être incomprise, de malaise, accompagnés d’une grande envie de retourner à la Chrysalide. En janvier dernier, au retour du camp Maroc, alors que je vivais mon onzième mois de placement, cela a vraiment été très fort. La Dresse Secara aurait accepté mon hospitalisation, mais elle avait décidé qu’au vu de mon âge, elle ne m’hospitalisait plus à la Chrysalide, mais dans le secteur des adultes, ce que je n’ai pas voulu. Cette porte fermée concrètement m’a enfin permis de me détacher de cet endroit.
Qu’est-ce qui te rattachait tant à la Chrysalide?
Je m’y sentais bien, car, comme son nom l’indique, c’est un lieu comme un cocon, rassurant, tranquille. Je pouvais « larver » sans trop d’exigences, sans obligations, et ça me convenait bien à ce moment-là.
Aujourd’hui pourrais-tu encore rester ainsi à ne rien faire?
Oui, mais seulement pour quelques jours ! Sinon, je m’ennuierais…
Que t’a apporté et t’apporte encore ton placement à La Fontanelle?
J’ai acquis de l’assurance, j’ai retrouvé l’espoir qu’une vie équi-librée est possible pour moi, j’ai appris à dire les choses même si parfois c’est difficile. La Fontanelle a organisé pour moi plusieurs stages dans différentes branches professionnelles et j’ai retrouvé l’envie de faire une formation.
Par quels biais as-tu acquis cela?
À La Fontanelle, il y a des conséquences quant à nos comportements, par exemple la privation de sortie. Ça m’a «obligée» à gérer mes colères, même si je pense que j’avais déjà commencé à travailler sur ce problème à la Chrysalide. Les camps surtout m’ont beaucoup apporté. On a le temps pour réfléchir sur soi et les éducateurs nous poussent à le faire. De voir les filles terminer leur placement et sortir avec un projet construit m’a aussi beaucoup motivée.
Quel bilan tires-tu de ton parcours dans ces deux structures?
C’est clair pour moi aujourd’hui que j’ai eu besoin des deux structures. Je n’aurais pas pu entrer dans le projet de La Fontanelle sans passer d’abord par la Chrysalide. J’avais d’abord besoin d’une période où on me donnait des soins presque sans exigences, tout en m’aidant à comprendre ce qui m’arrivait. J’ai eu ensuite besoin d’un lieu qui me stimule et qui me pose des contraintes, tout en restant dans la bienveillance, pour que je me mette en mouvement. Je pense que si j’étais restée à la Chrysalide ce serait devenu contre-productif avec le temps. La Dresse Secara et mon assistant social ont eu raison de prendre la décision de me placer à La Fontanelle, ce parcours m’a beaucoup appris, je ne regrette rien.
Propos recueillis par Cindy Gisclon