Mai 68, c’était il y a cinquante ans ! On a beaucoup parlé de ce virage sociétal à l’occasion de son jubilé, et vous avez probablement entendu et vu quelques rétrospectives sur le sujet. Elles ont remis en lumière une époque où les priorités collectives prévalaient sur les besoins individuels, faisant souffrir des individualités oppressées. Cette sensation d’étouffement avait porté la lutte pour la libération, dans un contexte où l’augmentation de la productivité autorisait pour la première fois de remettre en question le temps dédié au travail. Échapper à la machine à produire et à consommer pour trouver des raisons motivantes de vivre allait devenir une priorité.

Cinquante ans plus tard, le rapport collectif / individu s’est complètement inversé dans notre société occidentale ; la liberté individuelle est devenue une valeur dominante et un droit fondamental. Pourtant, la quête du sens de l’existence demeure. Plus vive que jamais, cette question fait l’objet de débats populaires réguliers ; elle est abordée par les émissions et la littérature ayant trait à l’humain ; et lorsqu’il s’agit de choisir, elle exige impérativement une réponse. Aujourd’hui, ce que nous faisons doit avoir du sens et nous sommes à peine conscients que toutes les civilisations n’ont pas (eu) la possibilité ni le loisir de s’interroger à ce propos. Cet immense privilège a un revers. Lorsque nous ne parvenons pas à donner de signification à notre action, nous nous démotivons, nous décourageons, nous démobilisons, voire nous angoissons.

Nous constatons régulièrement ces émotions chez les jeunes en panne accueillis à La Fontanelle. Est-ce lié à leur adolescence dont les perspectives incertaines déstabilisent ? Ou est-ce lié au statut d’être humain qui a désormais le loisir d’y penser ? Certainement un peu des deux ! Doit-on leur dire qu’il n’y a parfois pas de réponse et qu’il n’est pas nécessaire de donner du sens à tout ? Ou doit-on mieux les accompagner dans leur quête de sens ? Là aussi, certainement un peu des deux !

La mue du collectif vers l’individualisme et la quête de sens sont étroitement liées et nous avons souhaité approfondir ces deux thématiques dans cette édition ; comment par exemple, l’Armée suisse s’adapte-t-elle aux multiples individualités ? Un projet humanitaire peut-il satisfaire la quête de sens ? Comment notre institution qui fait la part belle à l’aspect communautaire est-elle perçue par les jeunes et leurs parents ? Nous souhaitons que ces différents éclairages participent à vous enrichir !

André Burgdorfer, directeur
Editorial paru dans l’édition 56 de l’Echo de La Fontanelle