La pharmacologie au service du mal-être des jeunes.
Plus anxieux, plus peureux et plus casaniers qu’auparavant, les jeunes que nous accueillons à La Fontanelle prennent plus souvent des médicaments. Ils demandent plus d’attention, de soin, d’écoute et gèrent mal la frustration. Quelques années ont suffi pour confirmer cette tendance. Que s’est-il passé? Faisons-nous face à une nouvelle maladie?
Pourquoi notre jeunesse manifeste-t-elle une telle anxiété alors que les conditions de vie n’ont cessé de s’améliorer?
Il y a bien entendu plusieurs explications, qui varient selon le secteur professionnel dans lequel on évolue. De notre point de vue de professionnels de l’éducation, le système éducatif adopté ces quinze à vingt dernières années peut en grande partie être tenu pour responsable de ce mal-être. Mais aucun système éducatif n’est parfait ni équilibré. Lorsque l’autorité était intransigeante, que l’appréciation de l’enfant n’était pas ou peu prise en compte, que celui-ci devait se conformer à la norme sociale et mettre son poing dans sa poche, il y eut des générations de jeunes inhibés ou rebelles qui manifestaient le besoin de casser le cadre. Cependant l’hégémonie de l’intérêt collectif apportait aussi des repères reconnus par tous et le sens à donner à l’existence était moins une question, car défini ou imposé par la collectivité.
De cette éducation normative, nous sommes passés à une éducation affective, centrée sur les besoins de l’enfant, avec le présupposé que plus on répond à ses demandes effectives ou supposées, mieux il sera construit pour faire face à la vie. Cette focalisation sur soi, ajoutée au fait de la disparition des repères collectifs structurants créent des remous que notre société devra canaliser, car ils provoquent nos maux de société actuels. Un besoin surdimensionné de parler de soi, une perte de sens confirmée par une progression du taux de suicide et une profonde anxiété qui monte en puissance auprès des plus démunis, notamment auprès des jeunes.
Dans cette édition de l’Écho, plus longue qu’à l’accoutumée, nous avons consacré un vaste dossier à cette problématique du mal-être des jeunes, soigné par la thérapie et la médication. Comment le monde de l’éducation se positionne-t-il par rapport à cette évolution ? Nous ouvrons le débat.
André Burgdorfer, directeur de La Fontanelle