Responsable du Foyer Filles depuis plus de vingt ans

Anne-Marie Cajeux prépare un départ à la retraite bien mérité, planifié en juin 2024. Par son engagement et son humanité, elle a marqué la vie de La Fontanelle et le comité de l’association, la direction de l’institution ainsi que l’équipe qu’elle a dirigée tiennent à l’en remercier chaleureusement. Anne-Marie a accepté de répondre à quelques questions, bien trop courtes pour raconter sa longue aventure à La Fontanelle.

Qu’est-ce qui vous a motivée à occuper ce poste exigeant tout au long de ces années ?
Vous n’allez peut-être pas me croire, mais je n’ai pas vu passer ces vingt ans. Ma fonction est si variée et souvent si intense que les mois ont succédé aux semaines sans que j’y prenne garde. Travailler à la Fontanelle, c’est se retrouver dans un lieu à l’énergie bien particulière, avec des adolescentes qui ont la vivacité, les contradictions, les émotions, la mauvaise foi et l’enthousiasme propres à cet âge. C’est aussi collaborer avec des collègues passionnés, engagés, aux tempéraments différents qui font la richesse d’une équipe, dans un contexte où les défis sont nombreux, les déceptions parfois amères et les accomplissements profondément satisfaisants.

Qu’avez-vous pu laisser aux jeunes filles en difficulté qui sont passées par La Fontanelle ?
Peut-être la perception qu’en ce monde, il y a des adultes qui s’engagent, qui les aiment, qui ont un idéal, qui acceptent d’être malmenés – parfois par elles-mêmes – qui ont foi en leur capacité de changer et de grandir, qui ont le courage de remettre cent fois l’ouvrage sur le métier, qui arrivent à s’émerveiller, à s’indigner, à faire preuve de douceur, d’empathie, mais aussi d’exigence et de force…Et même à attraper des fous rires.

Que vous a apporté cette expérience sur le plan personnel ?
Vous savez, travailler avec l’humain amène à un certain enchevêtrement de la vie professionnelle et personnelle. Cette fonction m’a donné un sentiment de compétence et d’accomplissement qui ne s’est pas cantonné à mon rôle professionnel. Cela a parfois assombri ma vision de l’humain et de la société, peut-être par déformation professionnelle. J’ai heureusement gardé intacte ma capacité à m’émerveiller. Ce que j’appelle mon « indécrottable naïveté » m’a permis de continuer à croire que le meilleur était à venir sur le moindre indice. C’est peut-être ça au fond qui m’a permis de rester à ce poste si longtemps.

L’institution est une des rares à proposer une prise en charge dédiée aux filles. Qu’en pensez-vous ?
À l’adolescence, le besoin d’être confirmée dans son pouvoir de séduction, de se sentir « aimable », et de vivre des expériences émotionnelles fortes mettraient les jeunes filles – les garçons aussi d’ailleurs – dans des situations difficiles à gérer en internat. Elles ont de grosses blessures affectives et pourraient être amenées à les combler à travers des relations amoureuses ou sexuelles. Dès lors, comment les aider à se connecter à soi, à son histoire de vie, à ses manques, à ses ressources et ses besoins, alors que les hormones, l’esprit, le cœur et le corps sont centrés sur une histoire amoureuse ? Il y a aussi la cohorte de filles qui ont été marquées par des abus sexuels et pour lesquelles partager leur espace intime avec des garçons qui ne seraient pas leurs frères ne ferait que renforcer des réflexes de protection et les conduirait à nier leur besoin de sécurité et leurs peurs.

Quel message aimeriez-vous laisser à celui ou celle qui reprendra votre fonction ?
Je lui souhaite beaucoup de joie, avec les filles, avec l’équipe et avec mes collègues de la direction ; du courage aussi, car la tâche peut parfois être exigeante. En fait, je crois que les deux sont intimement liés : faire preuve de courage conduit à la joie.

Qu’aimeriez-vous ajouter ?
Je souhaite remercier André pour la confiance et le soutien qu’il m’a accordés tout au long de ces années. C’est un directeur qui entraîne ses équipes dans sa vision et qui, surtout, leur donne les moyens de la concrétiser.

Anne-Marie Cajeux, responsable Foyer Filles

 

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