Lorsque le thème de la masculinité a été choisi au printemps 2022, je me suis trouvé face à la feuille blanche. Nous voulions associer à notre réflexion les garçons accueillis au foyer, mais comment s’y prendre pour les intéresser ? Le statut de l’homme contemporain n’est pas forcément simple à vivre ou à assumer. Son rôle et sa place sont difficiles à cerner. Il n’y a pas – ou plus – de mission claire, mais plutôt une palette de possibilités. Les jeunes subissent des pressions multiples et contradictoires tout au long de leur quête identitaire. Il s’agit de composer avec le poids de la norme et les stéréotypes de genre, la pression des pairs, la loyauté vis-à-vis du modèle familial ou encore avec des modèles qui les inspirent, à travers la culture et les médias au sens large. De plus, à l’heure des hashtags #metoo ou #balancetonporc, l’homme d’aujourd’hui peut être réduit au statut d’agresseur potentiel et la femme cantonnée au rôle de victime. Dès lors, comment interagir sereinement ?

La Fontanelle a souhaité aborder ce thème d’actualité brûlant et fort avec et pour les adolescents. Durant quelques mois, ce sujet a été au centre de nos réflexions et a généré plusieurs projets, dans le but de leur offrir un espace d’expression et de réflexion. Trois ateliers ont été mis sur pied, dont les thèmes ont été choisis par les jeunes : le premier portait sur les stéréotypes de genre, le second sur la représentation de l’homme dans les médias et le troisième sur les interactions hommes/femmes. Ils ont été suivis par la création d’un film d’animation réalisé par les jeunes pour résumer leur réflexion. Celui-ci a été présenté lors de la conférence « Genre masculin, qui suis-je en 2022 » qui clôtura cette aventure inédite à la Fontanelle. Les jeunes ont pu, à cette occasion, prendre part au débat animé par Isabelle Moncada, journaliste à la RTS !

 

Le premier atelier qui portait sur les stéréotypes de genre a permis aux jeunes de prendre conscience de l’injonction de la norme et des conséquences sur leur vie.

Naël* l’exprime à sa manière : « ce qui pose problème, c’est que, sans même s’en rendre compte, on est enfermé dans des stéréotypes ou des préjugés. Tout ça nous limite dans notre communication entre êtres humains. Je pense aussi qu’il faut s’intéresser à la personne que nous avons en face de nous, la questionner afin de comprendre sa réalité avant d’enfermer les gens dans des cases ».

 

Bertrand*, qui a participé à l’entier de la démarche, rajoute : «Pour moi, les stéréotypes de genre, c’est tout ce qu’on peut penser des gens avec pour seule base, leur genre. Par exemple, les hommes sont forts et les femmes plus faibles. Ou encore, les hommes sont durs et les femmes sensibles. Ces clichés sont très présents. Les gens qui ne s’y accordent pas peuvent subir des jugements et des moqueries. Cela crée souvent une pression, qui inconsciemment, nous pousse à nous conformer à la norme et à entretenir ces stéréotypes ».

 

Bien que n’ayant pas participé aux ateliers et fraichement arrivé à la Fontanelle, Patrick*, au terme de la conférence, tient à exprimer son opinion : « Au sujet des stéréotypes, ce que je retiens de la conférence, c’est que dans la vie, tu auras beau jouer un rôle ou essayer de paraître quelqu’un aux yeux des autres, ces personnes trouveront toujours à dire du mal ou auront des préjugés sur toi. Il est important de rester soi-même pour sa paix intérieure, sinon on est constamment en manque de confiance et sous pression. Je comprends aussi que les stéréotypes peuvent avoir des conséquences malsaines ou dramatiques et peuvent blesser profondément les gens. Ces derniers peuvent engendrer par exemple du harcèlement ou encore du racisme. »

 

Youssef*, parmi le public lors de la conférence, partage sa vision éclairée des stéréotypes. « Je pense qu’au foyer garçon, puisque nous sommes momentanément en groupe restreint et vivons en marge de la vie «  à l’extérieur », nous avons tendance à banaliser et prendre à la légère les stéréotypes. Pourtant, il me semble important de se réunir autour de ces questions,  sans violence verbale et encore moins physique afin, en quelque sorte, d’améliorer l’humanité ».

 

Le 2e atelier traitait de la représentation de l’homme dans les médias et la culture.

 

Bertrand*, décidément perspicace, exprime un point de vue très clair sur la question. « La représentation de l’homme dans les médias est bien loin de ce que nous sommes en réalité. Tous les hommes ne sont pas « Schwarznegger » ou encore « The Rock ». Loin de là. Malgré tout, ce sont deux acteurs extrêmement connus et très présents dans la culture, que ce soit au cinéma ou sur les réseaux sociaux. On entend souvent : « ça, ce sont de vrais hommes ! ». Ce qui nous ramène une nouvelle fois aux stéréotypes de genre. Le problème c’est lorsque ces figures masculines parfaites sont érigées en tant que modèles, beaucoup de jeunes hommes complexent… Car ils ne voient plus que ça sur les réseaux et ne correspondent pas forcément à ce modèle ».

 

Naël* tient à nouveau à nous donner son point de vue, cette fois-ci sur la représentation de l’homme et les relations hommes/femmes. « Je pense que la représentation de l’homme que j’avais dans mon enfance est en train de se déconstruire gentiment. Les courants de pensée évoluent progressivement sur l’idée du modèle masculin, selon les générations, les cultures ou encore les religions. Les relations hommes-femmes sont changent, elles aussi. La liberté est revendiquée de part et d’autre. De plus, la plupart des personnes de ma génération sont plutôt d’avis que l’homme et la femme doivent être considérés sur un pied d’égalité ».

 

En ce qui concerne l’expérience vécue durant la conférence, les jeunes, encore une fois, sont généreux  dans leur propos, parlent « vrai » et avec profondeur.

 

Naël* raconte avec enthousiasme sa vision de l’expérience de la scène : « Je suis heureux d’avoir pu vivre un moment aussi intense ! C’était inédit ! Mais ça « foutait » quand même une sacrée pression ! On m’a permis de m’exprimer sur un sujet si vaste que j’aurais pu m’y perdre ! ».

 

Kevin*, qui a participé à un atelier et vécu la conférence parmi le public nous partage sa vision : « Tout ça m’a beaucoup plu, déjà parce que cela changeait de la routine. Les ateliers et la conférence, ce n’est pas quelque chose qu’on fait tout le temps ! Ce thème m’a beaucoup touché, car je me suis senti évidemment concerné. Je remarque que je me développe avec une certaine pression constante sur comment je dois paraître, comment je dois faire, ou encore comment je dois penser. On en parle au foyer parce qu’on est tous concernés, les uns comme les autres. J’ajoute que j’ai vécu uniquement un atelier et que j’aurais aimé tous les faire afin d’en comprendre davantage sur ce domaine, apprendre des choses, ou les voir d’un point de vue différent du mien ».

 

Youssef* reprend la parole. « J’aurais aimé pouvoir donner mon avis et mes réponses aux questions posées durant la conférence. J’aime les débats, c’est enrichissant et divertissant. Pour résumer, si une opportunité était à venir, que ce soit sur n’importe quel sujet, je suis partant. J’aimerais vraiment revivre ce type d’expérience, car même comme spectateur, j’y ai pris du plaisir. Alors être sur scène, cela doit être un immense kiff ! Pourquoi ? Parce que ce genre de sujet touche tout le monde, donc personne n’est « out-group » et cette idée me plait beaucoup ! ».

 

Nathanael* conclut: « Je ne suis pas fermé à la différence, au contraire. Cette série d’ateliers m’a ouvert les yeux. Mon ouverture d’esprit s’est élargie, j’accepte de plus en plus les différences entre les individus et moi-même. J’aimerais dire stop à la division. Gardez vos propos et jugements pour vous-même. S’il vous plait, ne me jugez pas. Je suis tout simplement qui je suis. Le renforcement personnel de l’idée : « Je suis unique » m’a été transmis. L’image que je dégage n’a plus autant d’importance qu’avant. Je me sens désormais prêt à prendre le chemin qui me correspond. Mais peut être celui-ci ne vous correspond pas… Quant à la table ronde sur la scène, je suis étonné, mais le public a été très réceptif. D’ailleurs, mes parents en faisaient partie, ce qui m’a plu ! Durant cette expérience de 2h, j’ai eu une sensation de bien-être très forte. Elle restera un très bon souvenir ! ».

 

Et pour moi donc, éducateur, quel souvenir ! Quelle aventure ! Quelle chance d’avoir vécu ce voyage. Les jeunes que nous accueillons sont remarquables, je suis fier de leur chemin, que j’ai eu la chance de partager, durant le placement ! Chapeau bas, chers jeunes !

 

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Yan Cordelier

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