La justice restaurative, une alternative ou un complément à la justice pénale.
La justice restaurative peine à s’imposer en Suisse, alors qu’elle est inscrite dans la loi de plusieurs pays d’Europe qui y font couramment appel.
Son usage est désormais également recommandé par le Conseil de l’Europe. Mais qu’entend-on par justice restaurative ? Il s’agit de mesures qui permettent à une victime et à l’auteur·trice d’une infraction de participer activement à la résolution des répercussions provoquées par le délit. Un nombre croissant d’études démontrent l’efficacité de cette approche, notamment en ce qui concerne le rétablissement de la victime et l’arrêt de parcours de délinquance ou de criminalité.
L’idée d’une justice qui condamne les coupables et les punit pour le délit commis, notamment par l’enfermement, est encore solidement ancrée dans les esprits. L’infraction est envisagée sous l’angle d’une violation de la loi et une telle violation mérite d’être sanctionnée. En matière de justice pénale, l’État a le monopole. Lui seul est habilité, à travers les autorités désignées, à exécuter les procédures pénales prévues par la loi. À de rares exceptions près, l’auteur·trice et la victime de l’infraction ne peuvent pas intervenir activement dans la résolution du conflit ni mettre un terme à la procédure par une transaction privée.
Vengeance, punition, effet dissuasif, quel est le but réellement poursuivi par ce procédé ? Lors du dernier Congrès du groupe suisse de criminologie, d’éminents spécialistes relevaient que les politiques pénales visaient une gestion efficace des populations délinquantes, dans le but d’une société « zéro » risque. La recherche en criminologie démontre pourtant que les nouveaux programmes de réhabilitation augmentent la désistance (sortie de la délinquance et de la criminalité). Les statistiques de l’OFSP confirment également que le risque de récidives diminue lorsque les personnes sont condamnées avec sursis. Elles démontrent aussi que la condamnation à la prison n’empêche pas la récidive, celui ou celle qui a vécu l’emprisonnement présentant deux fois et demi plus de risques d’être recondamné·e.
Comment faire autrement ou que faire pour optimiser la procédure traditionnelle ? Des initiatives se mettent en place pour repenser le rôle des uns et des autres après une infraction pénale. La prise en considération de la victime est un des moteurs du changement. Car dans la procédure actuelle, elle joue un rôle tout à fait secondaire, voire est totalement absente du procès. Bien que des modifications de la loi aient été opérées pour mieux la prendre en compte, le procès ne permet guère de répondre à ses attentes et engendre généralement de nombreuses frustrations. La justice restaurative vise justement à remettre la victime au centre, par des rencontres, des médiations, des dialogues entre auteur·trice·s et victime·s.
Cette approche propose de modifier la manière de considérer le délit et de ne pas l’envisager uniquement comme une violation de la loi méritant d’être sanctionnée, mais comme un acte portant préjudice à des personnes et des relations. Il s’agit donc d’identifier les dommages issus de l’infraction afin d’amener une réparation, en impliquant activement les personnes concernées par le processus. En leur redonnant la parole, la justice restaurative cherche aussi à déclencher une démarche de responsabilisation et vise à prévenir de nouvelles infractions. Bien que son but ne soit pas le pardon ni la réconciliation, elle favorise les échanges et la compréhension mutuelle qui crée un espace pour l’expression de ces valeurs. Elle cherche à considérer les besoins de chaque partie et tente d’y répondre afin que chacun et chacune puisse se sentir « réhabilité ». Le recours à la justice restaurative peut venir soit à l’initiative des parties en conflit, soit sur proposition de représentant·e·s de la justice. Le processus peut donc se dérouler indépendamment des institutions judiciaires et intervenir en amont, en parallèle ou postérieurement à la procédure pénale.
Lors d’un processus de justice restaurative, les personnes concernées sont d’abord reçues séparément par un·e médiateur·trice qui mène les entretiens préliminaires et explique le cadre et les règles de la médiation. Il ou elle s’assure de la volonté des protagonistes à participer à la démarche et vérifie qu’un minimum de sécurité relationnelle soit présent pour permettre une rencontre constructive de la victime et de l’auteur·trice. Le ou la médiateur·trice observe aussi que le processus de médiation ne renforce pas la violence et n’entraîne pas une victimisation secondaire. L’objet du conflit est identifié et les attentes de chacun·e sont définies. Ces préliminaires terminés, le processus de médiation peut commencer. Dans un climat de respect mutuel et d’écoute, la victime et l’auteur·trice présentent leur vision respective de la situation, leurs besoins, leurs stratégies, leurs intérêts et leurs points de vue. Les échanges se déroulent dans la perspective de construire un accord réaliste et durable. Lorsque le traumatisme est encore intense, en cas de contrainte sexuelle par exemple, des médiations indirectes peuvent être mises en place pour éviter le face-à-face, au moins dans un premier temps.
Au cours de plusieurs entretiens, le ou la médiateur·trice accompagne les échanges et cherche à favoriser une meilleure compréhension de la position de chaque partie, ainsi qu’une reconnaissance réciproque. Il ou elle va aussi chercher à valoriser les compétences des intervenant·e·s afin qu’auteur·trice et victime façonnent une solution à même d’apaiser leur conflit. Le contenu de l’accord est propre aux protagonistes et peut, par exemple, avoir la forme d’une indemnisation des dommages, d’une compensation symbolique, d’un travail en faveur d’une institution, de la rédaction d’une lettre d’excuse ou d’un engagement à changer de comportement. Ils ou elles concrétisent leur accord par une convention lorsque la médiation réussit.