Valérie Stackelberg est nutrithérapeute, passionnée par les intestins, notre « deuxième cerveau ». La praticienne établie à Nyon étudie et expérimente depuis longtemps les conséquences de la malbouffe sur le corps et le cerveau, aujourd’hui démontrées scientifiquement. Si la situation est alarmante, elle n’est pas inéluctable. Bien se nourrir requiert toutefois une bonne dose de résolution et de caractère…
Valérie Stackelberg, quels sont les premiers gestes à adopter si nous souhaitons nous détourner, nous et nos enfants, de la malbouffe ?
L’essentiel est de revenir à une alimentation plus naturelle. Mais cela nécessite au préalable une prise de conscience, et une forte volonté pour se délier de l’emprise des publicités, de l’entourage, des habitudes, et de notre lien affectif à la nourriture. C’est difficile, mais l’adulte, avec sa force de caractère et son esprit critique, peut s’en extraire, puis montrer l’exemple. En tant que parent, sa responsabilité est de transmettre, informer et répéter inlassablement le message. Mais l’idéal serait tout simplement d’éviter les produits trop sucrés ou ultra-transformés dès le plus jeune âge, à commencer six mois avant même la conception de l’enfant. Et pourquoi pas, bannir les supermarchés pour se ravitailler. En effet, un éloignement « physique » détourne de toute tentation de malbouffe. Si je vois des chips, forcément cela me donne envie d’en manger…
Concrètement, quels sont les aliments à privilégier ?
Il serait bon de renouer avec une alimentation plus simple, issue d’agriculteurs et d’éleveurs locaux, bio, de saison et brute, c’est-à-dire sans transformation, et la plus variée possible. En choisissant les bons sucres, les bonnes graisses et protéines, c’est préférer la qualité à la quantité. Et si nous mangeons mieux, en terme nutritif, nous mangerons également moins, car plus vite rassasiés. Avec la malbouffe, c’est l’inverse, le sucre appelle le sucre, et une addiction se crée. Réintégrons également les aliments fermentés car ils renforcent le microbiote.
Pour retrouver une alimentation équilibrée et saine, nous pouvons nous inspirer, par exemple, de la diète méditerranéenne ou crêtoise qui est plus un mode de vie complet qu’un régime. Elle favorise, au fond, ce que la nature nous fournit : des végétaux majoritairement, avec quelques apports d’origine animale, (poisson, fruits de mer, volaille, œufs), de l’huile d’olive, des graines et fruits à coque. Ses produits sont variés, grâce au respect du rythme des saisons, et dégustés de manière conviviale. Cette diète apporte au corps ce dont il a besoin : des aliments riches en nutriments (vitamines, minéraux, antioxydants, acides gras), sans transformation, donc hypotoxiques et anti-inflammatoires.
La nourriture que nous choisissons de manger dépend aussi de facteurs émotionnels. Est-ce un élément à prendre en compte ?
Tout à fait. Le sucre renvoie, par exemple, à la douceur et à la consolation ; c’est aussi le symbole de la dépendance alimentaire et/ou affective. Les aspects psychologiques ou émotionnels et les aspects physiologiques alimentaires évoluent de manière si semblable, qu’on est obligé de tenir compte de chacune de ces parts de l’être humain afin de pouvoir le considérer dans sa globalité. C’est ce que l’on nomme « l’approche holistique ».
Comment gérer les frustrations de nos enfants liées aux privations de certains produits tant appréciés ?
Je trierais les mauvais des bons sucres pour ne favoriser que ceux qui nourrissent correctement leur microbiote et leur cerveau. à moyen terme, cela contribue à changer leurs habitudes alimentaires et impacte autant leur développement physique qu’émotionnel. En tant que thérapeute, je détoxifierais aussi leur organisme, puis rajouterais, selon leurs carences, quelques compléments alimentaires (vit B, D, minéraux). Enfin je leur prêterais une oreille attentive afin de déceler la cause du problème. Il n’y a rien de plus important que de parler. Je m’occuperais de leur stress, peurs et pulsions agressives jusqu’à ce que les frustrations disparaissent.
Existe-t-il des aliments qui permettent de calmer notre dépendance au sucre ?
Le sevrage est déjà très efficace. Mais sur le moment, j’ai lu dans « 0 sucre » que D. Gerkens prenait, par exemple, une poignée d’oléagineux, de la noix de coco, un carré de chocolat noir, de la vanille et de la cannelle pour lutter contre ses envies de sucre. D’autres « béquilles » peuvent également aider comme l’huile essentielle de cardamome ou de pamplemousse, ou encore le Mucuna pruriens (dopamine). Le Gymnema Sylvestris, quant à lui, calme l’appétit et le grignotage.
A votre avis, manger sain coûte-t-il plus cher ?
Il faut réfléchir à ce qui est sous-jacent à la malbouffe, à ses conséquences sur la société et sur notre santé en général. Si la malbouffe paraît plus économique sur l’étalage des supermarchés, elle coûte très cher si l’on considère ses méfaits sur la santé à plus long terme (obésité, diabète). Plus la nourriture est transformée, plus le coût de la santé, la nôtre et celle de la société, augmente. Et encore une fois, choisir des aliments de qualité invite à manger moins, cela devient plus économique. Et si vous souhaitez manger sain et encore meilleur marché, pourquoi ne pas créer votre propre potager et faire de la permaculture ?
Propos recueillis par Joanna Vanay
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